DISCOURS DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA BNC
MR RAOÛL PIERRE-LOUIS
À LA 13 ÈME ÉDITION DU SOMMET SUR LA FINANCE
– 17 AU 19 AVRIL 2023 – LES MPME ET L’ÉCO2

Comme chaque année depuis mon arrivée à la BNC, suivant un rituel établi par les organisateurs de ce Forum, auquel je présente toutes mes félicitations pour cette belle initiative, il m’est fait l’honneur de prendre la parole, soit pour parler de la BNC, la banque de l’État qui occupe la 3ème place du système bancaire haïtien, ou d’un sujet qui touche l’actualité et qui fait l’objet de nos préoccupations dans la communauté financière.

Je voudrais donc chers participants, chers internautes, chers clients, mes chers concitoyens, m’adresser à vous à propos d’une catégorie d’agents économiques, quoique, un peu négligée, mais qui mérite toute notre considération et toute notre attention, à la fois par son poids dans l’économie, sa résilience, son impact et en particulier dans le cadre de ce sommet, évoquer l’une des grandes orientations qui pourrait changer la donne pour elle, et que nous sommes prêts à collaborer pour apporter tout le soutien nécessaire pour son développement équilibré et harmonieux. Voyez-vous de quoi nous parlons ! Il s’agit des Micro Petites, et Moyennes Entreprises, les MPME. « Les MPME et l’éco2 »

1. Les Micro, Petites et Moyennes Entreprises
2. Le poids des MPME dans l’économie
3. La résilience des MPME
4. Les MPME et l’éco21.

1. Les Micros, Petites et Moyennes Entreprises en Haïti

On ne peut pas parler des MPME sans mentionner d’abord « l’immense secteur informel haïtien, car 95% des entreprises haïtiennes sont informelles, avec 64,5% de travailleurs indépendants et 35,5% de petites et micros entreprises, desquelles 61% sont salariés, 20% sont des patrons et 19% sont des apprentis, stagiaires, travailleurs familiaux .
Ces chiffres datés de 2012 (qui méritent d’ailleurs d’être extrapolés) démontrent, s’il en était besoin la petitesse du secteur privé haïtien formel, dominé par quelques grandes entreprises. Ainsi les Micros, Petites, et Moyennes Entreprises (MPME) formelles sont relativement peu nombreuses et le tissu productif en Haïti n’est pas considérable. Dans les milieux urbains, 40% des PME travailleraient dans le secteur du commerce, 25% dans les services, 19% dans l’industrie et 5% avec l’administration publique.

La configuration est presque la même pour les pays en développement, ou émergents, mais contrastée selon qu’il s’agit de pays d’Afrique, d’Asie, voire de pays occidentaux avec un niveau de développement plus élevé, toujours est-il que l’informalité est un phénomène mondial selon les statistiques plus récentes publiées par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) dans son rapport 2019 (Femmes et Hommes dans l’économie informelle – un panorama statistique) .

En effet 2 milliards de personnes âgées de 15 ans et plus dans le monde travaillent dans l’économie informelle et représentent 61,2% du total des emplois. A l’échelle mondiale 45,0% des personnes occupant un emploi sont des travailleurs à leur propre compte et 36% des salariés. Dans les pays d’Afrique, c’est 76% des emplois qui sont dans l’informel et en République Dominicaine, sur les 56,3% de la population qui travaille, 37,4% le sont dans le secteur informel et 11,8% dans le secteur formel. Bien que les statistiques ne sont pas disponibles pour Haïti pour la même période, il faut croire que l’informalité est prédominante partout et que nous ne sommes pas les seuls à travailler ardemment pour la formalisation des MPME, ce qui explique toute l’attention portée par les organisations internationales, les pouvoirs publics et les institutions financières, ainsi que les organismes de financement partout sur la planète à cette catégorie d’agents économiques.

2. Le poids des MPME dans l’économie haïtienne

Selon une étude réalisée par la Banque Mondiale en 2022, intitulée : The Long Shadow of Informality : Challenges and Policies, analysant le poids de l’’informalité et ses conséquences sur l’économie, le secteur informel représente plus de 70% de l’emploi total dans les économies émergentes et contribue à pratiquement un tiers du PIB, (en Haïti ce serait 35% selon le gouverneur de la BRH) d’où la nécessité de les recenser, de les encadrer et de les orienter, afin que leur contribution et leur poids dans l’économie soient plus évidents et que cette catégorie d’agents économiques bénéficie de toute l’attention qu’elle mérite, favorisant ainsi, la réduction de la pauvreté, l’inclusion financière et la protection sociale de tous les travailleurs haïtiens, quel que soit son statut, son rang.

De plus, il y a là un flux de financements et de transactions financières non enregistrées dans le circuit formel, typique d’une informalité omniprésente. A cet égard, il faut saluer les efforts réalisés par la Banque Centrale, pour intégrer les institutions de financement tant en matière de crédit qu’en fonds propres ou d’investissement, avec la nouvelle loi bancaire de 2012, l’inclusion d’instruments de régulation et de supervision des Coopératives d’épargne et de crédit et d’autres sociétés intermédiaires de financement et d’investissement telles que PROFIN, et de microcrédit etc., pour faciliter l’octroi de financements aux MPME et aboutir ainsi à l’inclusion financière tant recherchée.

Naturellement, faute de statistiques, il apparaît difficile d’évaluer le poids non seulement du secteur informel dans l’économie haïtienne, mais également des MPME formelles, et même informelles dont il convient d’assurer leur intégration dans l’économie. Toutefois on peut quand même noter selon un article publié dans la revue Rencontre No 24-25 Février 2012, ayant pour titre « L’enjeu des petites et moyennes entreprises pour le relèvement de l’économie Haïtienne », ce qui suit : « à la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010, le Projet Wiener de l’USAID a entrepris une étude d’évaluation de son effet sur le secteur des entreprises. En classant les entreprises selon leur chiffre d’affaires, cette classification globale a été obtenue à partir d’un nombre d’unités estimées à 35 213 pour l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince (l’AMAP), soit :

• 30 000 (85%) avec moins de 5 millions de gourdes;
• 5 000 (14,2%) de 5 à 50 millions;
• 180 (0,5%) de 50 à 500 millions;
• 33 (0,1%) avec plus de 500 millions.

Ces chiffres sont de 2012, très probablement leur nombre a dû plus que doubler, avec la croissance démographique et la faiblesse des infrastructures économiques du pays, même si leur apport demeure très faible, au regard de l’évolution du PIB du pays les 10 dernières années.

3. La résilience des MPME en Haïti

Selon le dernier rapport de l’IHSI – Les comptes économiques en 2022 , l’économie haïtienne a été une nouvelle fois fortement pénalisée en 2022 par les actions des hommes armés qui ont quasiment pris le pays en otage en s’installant dans plusieurs régions stratégiques de la capitale économique (Aire Métropolitaine de Port-au- Prince) et dans certaines villes de province. Les actes perpètres chaque jour sont devenus de plus en plus déstabilisants pour les agents économiques en particulier et pour le secteur informel. Cette situation alarmante qui a eu pour effet de confiner les opérateurs économiques dans un attentisme, un immobilisme interminable, n’a certainement pas été de nature à favoriser la relance de l’économie tant souhaitée en 2022.

Par ailleurs, il fallait aussi compter avec la crise du carburant qui a traversé́ presque toute l’année 2022, le fléau de l’insécurité́ et aussi la crise socio-politique, de son côté, avec son lot de manifestations de rue, parfois emmaillées de violences, les journées de grèves et surtout l’opération baptisée pays lock (pays fermé) qui constituait également un autre facteur de blocage au développement des activités économiques.

Il en est résulté́ pendant plusieurs mois un ralentissement considérable des activités. Les entreprises fonctionnaient avec un horaire réduit et certaines ont même dû procéder à la compression de leur personnel afin de réduire certains coûts fixes et d’éviter ainsi la faillite, comme cela a été le cas pour plusieurs d’entre elles. Ces goulots d’étranglement ont certainement affecté tous les secteurs d’activité et en particulier les MPME, surtout celles-là qui avaient déjà des problèmes de trésorerie, ou qui venaient de se lancer dans des programmes d’investissement pour financer leur croissance, et aussi toutes celles qui n’étaient pas organisées sur le plan de la gestion, voire formalisées pour bénéficier du soutien financier et des appuis en matière de conseil.

Toutefois, pour aider les MPME formelles, la BRH a mis en circulation les circulaires 115-2, 115-3 permettant aux banques et institutions financières du pays de donner des moratoires aux débiteurs du système, sous réserve de certaines conditions d’éligibilité.

Par ailleurs, comme les autres banques du système, la BNC a entrepris pour celles-là qui pouvaient en bénéficier, des programmes de restructuration de dettes, des mobilisations de créances, voire des consolidations en vue de faciliter les débiteurs de bonne foi non seulement à faire face à leurs engagements par des rééchelonnements, tout en leur permettant de se maintenir à flot en matière de trésorerie au cours de cette période difficile.

4. Les MPME et l’éco2

L’écosystème entrepreneurial est défini comme un ensemble d’acteurs interconnectés, d’institutions et de processus qui interagissent pour renforcer l’entrepreneuriat au sein de l’environnement local. Cette notion représente les différents groupements d’acteurs (publics ou privés, institutions et entreprises, universités) et de facteurs qui définissent le milieu dans lequel les acteurs évoluent en constante interaction.

Les objectifs visés par ce forum sont clairs et nets, pousser les MPME vers la transition numérique et écologique, en se mettant ensemble pour résoudre d’abord les obstacles, les difficultés et les blocages qui ont un effet négatif sur le développement durable et la formalisation des MPME, ouvrir l’accès aux nouvelles technologies de l’information pour devenir plus efficaces et plus résilientes et également à des ressources humaines et financières, à des opportunités et des marchés qui découlent de l’écosystème (économique, écologique), sans compter les réseaux et systèmes d’informations etc…)

En effet, Tous les secteurs sont concernés par le défi environnemental car la pression des consommateurs et du marché fait que les entreprises ne peuvent plus rester à l’écart de cette grande tendance à la mode. La transition écologique des entreprises est désormais une donnée de marché incontournable dans de nombreux secteurs d’activité et les sociétés doivent y répondre pour assurer leur pérennité et leur développement. Mais cette transition écologique, qui peut intervenir dans des domaines variés – comme la mobilité, économie circulaire, éco-innovation, réduction des émissions de CO2, transition énergétique, responsabilité sociale des entreprises RSE, agriculture biologique ou tout simplement de nos jours agroécologie – doit être envisagée comme une source d’opportunités et de développement économique, et pas comme une contrainte.

La BNC a compris cela depuis fort longtemps et avait façonné un produit de crédit spécifique à l’intention des MPME et de sa clientèle, le Crédit Energie pour financer l’acquisitions de moyens énergétiques solaires. Faut-il également souligner que depuis toujours dans sa politique de crédit, la BNC s’interdit de financer toute activité tournée vers la coupe et l’utilisation du bois à des fins énergétiques, afin de préserver notre environnement.

Pour votre information, le programme qui a commencé au cours de l’année 2017 a déjà financé de manière directe plus de 950 MPME et particuliers pour un portefeuille en dollars de 2,8 millions et en gourdes de 141,5 millions de gourdes, compte non tenu des montants indirects à travers l’utilisation des lignes de crédit .

Rappelons-le ici encore une fois, la BNC a mis en place une structure dédiée pour répondre à tous les besoins de financement des MPME, Il s’agit de PROCRÉDIT, laquelle institution se situe dans la majeure partie des villes de provinces et régions agricoles du pays. A vous, MPME, qui œuvrez dans le domaine de l’agroécologie, dans le secteur de la transformation et de la production de biens et de services, nous disposons des ressources humaines pour vous accompagner et des ressources financières pour le développement de votre croissance et à vous toutes institutions internationales et sociétés de financement nous sommes prêt également à faire des alliances, des partenariats avec vous pour faciliter l’encadrement, le financement, la formalisation des MPME avec tout l’impact que cela peut apporter pour le relèvement du niveau de vie de nos concitoyens.

Encore une fois, nous remercions les organisateurs de ce forum de nous avoir donné l’opportunité de nous adresser aux MPME, et vous tous, qui êtes en présentiel, en virtuel ou sur le web et les réseaux sociaux, nous vous invitons à venir faire l’expérience BNC, la banque de tous les haïtiens sans distinction.

Nos remerciements vont également et en particulier aux membres du conseil d’administration et à tout le personnel qui continuent de travailler avec beaucoup d’entregent et de courage dans les conditions très éprouvantes que l’on sait, pour accompagner la clientèle, leur garantir un service de qualité, et la disponibilité en tout temps et partout de tous nos produits et services.

BNC l’expérience au service de toutes les générations.

Mr Raoül Pierre-Louis – Président du Conseil d’administration de la BNC
– Sommet International de la Finance – 13ème édition
– 17, 18 et 19 avril 2023 – Financer l’Eco2 Développement : l’économie et l’écologie

Sources et Références :

1. Bulletin PNUD Haïti 2012-3 – Micro, petites et moyennes Entreprises en Haïti
2. Femmes et Hommes dans l’économie informelle – un panorama statistique (Rapport OIT 2019)
3. The long Shadow of informality – Challenges and Policies (World Bank)
4. https://blogs.worldbank.org/fr/voices/cinq-raisons-de-sinquieter-du-poids-de-leconomie-informelle
5. L’enjeu des petites et moyennes entreprises pour le relèvement de l’économie Haïtienne Les comptes économiques en 2022 – IHSI
6. Les comptes économiques en 2022 – IHSI
7. https://www.brh.ht/wp-content/uploads/Circulaire-115-3-moratoire-de-credit.pdf
8. https://www.tbs-education.fr/inspiring/quest-ce-que-lecosysteme-entrepreneurial/
9. https://www.cci-paris-idf.fr/fr/entreprises/croissance/transition-ecologique-rse
10. Chiffres compilés par la Direction du Crédit à partir des statistiques internes